Présentation

Dans une étude collective interdisciplinaire de grande ampleur menée par John P. Abraham et une équipe de scientifiques américains et australiens, il apparaît que les données scientifiques invoquées par ceux qui contestent le réchauffement du climat terrestre, autrement dénommés « climato-sceptiques », sont moins fiables que celles sur lesquelles se fonde le gros de la communauté scientifique et qui établissent le caractère fondamentalement anthropogène de l’évolution du climat. Contrairement aux arguments opposés et à leur diffusion dans l’opinion publique et dans certains médias, les auteurs démontrent que la qualité scientifique s’affirme et s’accroît, confirmant de la sorte la réalité du facteur anthropogène dans la modification du climat telle que l’établit la communauté des climatologues dans sa grande majorité.

Roderick Lawrence se penche avec ses collaborateurs sur la complexité des questions écologiques dans leurs multiples dimensions, dont les scientifiques n’ont pas pu rendre compte de manière satisfaisante de puis les années 1970. Comme ces questions ne se limitent ni aux disciplines constituées, ni aux connaissances propres à telle ou telle spécialisation, les auteurs sont d’avis que seul un cadre holistique et systémique est susceptible de les aborder, qui couvrirait de multiples champs géopolitiques et échelles temporelles. Les phénomènes environnementaux ne se laissent circonscrire par aucun domaine scientifique particulier et débordent les objectifs politiques, de sorte que leur appréhension requiert l’intervention conjointe des secteurs privé et public et l’adoption de démarches transdisciplinaires propres à ouvrir le débat public et à sortir de l’impasse actuelle.

L’extrait de l’ouvrage de Jacques Vicari illustre dans une perspective historique le long terme de l’évolution du climat, où il apparaît que, sur les 400 millénaires qui nous séparent de la domestication du feu, l’homme a modifié l’ordre naturel, pour l’inverser 3000 ans avant notre ère par le déboisement et le brûlis, l’extension de l’élevage et de l’agriculture et la sédentarisation. Le passage du paléolithique au néolithique se caractérise par l’entrée dans l’ « ère de la combustion », la montée en flèche du CO2 et la rupture de l’équilibre énergétique de la planète.

Joël Ruet analyse les tensions d’un monde qui a vu s’éveiller l’Asie, fleurir les printemps arabes avant qu’ils ne dépérissent et qui a découvert une Afrique dont les élites n’avaient jamais ignoré ce même monde. Il avance l’hypothèse que la crise économique mondiale n’a pas tant engendré la convergence des économies qu’elle n’a créé des problèmes communs. Alors que l’opposition traditionnelle entre l’Est et l’Ouest s’est affaiblie, l’auteur se penche sur le retour du débat portant sur la fonction des intellectuels, pour ensuite évoquer la méthodologie apte à examiner les instruments succeptibles d’appréhender de vastes ensembles d’objets de pensée au départ de contextes distincts.

Manickam Nadarajah explore les diverses histoires du développement en Asie, le sentiment de triomphe et d’achèvement qui les accompagne, mais aussi l le coût élevé qu’elles ont signifié autant pour les sociétés que pour la nature et l’environnement. L’auteur considère la viabilité du développement sous un angle spirituel, en incluant les apports des écrits musulmans, bouddhistes, shintoïstes, catholiques et hindous, à l’heure où la mondialisation capitaliste s’est imposée comme la norme économique. Il analyse les divers facteurs qui ont érodé la viabilité des traditions et des cultures asiatiques et avance la thèse éclairante du lien qui fait de la spiritualité et d’un développement viable les deux faces d’une même réalité.

La perspective du développement durable présentée par Dominique Kerouedan est celle des objectifs du millénaire pour le développement, concertés tant du côté des Etats que de la société civile et qui aborde des thématiques incluant l’éducation, l’eau et la santé. La vision globalisante et totalisante de l’avenir qui en découle comporte selon l’auteur de sérieux risques en ce qu’elle prend peu en compte les priorités du développement sanitaire des régions les plus pauvres du monde, et notamment ceux de la santé des enfants et des femmes enceintes et à la lutte contre la propagation des maladies endémiques.

Ratan Lal Basu se réfère aux traités politiques de l’Inde ancienne, l’Arthashastra de Kautilya et le Munusmriti , pour rendre compte du rôle de l’Etat lorsqu’il s’agit de rétablir l’ordre dans la société. Il commente dans son article les prescriptions énoncées dans ces deux oeuvres majeures, selon lesquelles le fonctionnement efficace de l’Etat se fonde sur l’application du danda – le sceptre du châtiment – et dépend des qualités du roi. La monarchie y est considérée comme la meilleure forme de gouvernement, et la méthode prescrite est sensée construire la monarchie idéale, rappelant sur certains points les qualités requises des dirigeants dans les démocraties contemporaines.

Dans la section des « Débats », John Abraham commente la récente étude interdisciplinaire dite HANDY (Human And Natural Dynamics), fondée sur une modélisation rendant compte de la dynamique démographique et des effets sociétaux qu’elle entraîne, lesquels projettent la possibilité d’un effondrement de la civilisation au cours des prochaines décennies en raison de l’exploitation excessive des ressources de la planète. Il relève aussi l’interdépendance des sociétés, riches et pauvres tout à la fois, et les menaces qui pèsent sur elles en proportion des inégalités croissantes qui entachent la distribution des richesses.

Elly Hermon observe que le débat scientifique révèle une forte corrélation entre l’évolution du climat et les activités humaines qui ont pour effet d’augmenter les rejets de gaz à effet de serre depuis le début de la révolution industrielle, d’où l’apparition du concept d’ « ère anthropocène » . Il reste que l’irréversibilité des effets anthropogènes ou naturels, cependant, n’exclut pas la nécessité du débat public et d’une réponse sociale propres à faire adopter une politique de prévention et d’adaptation aussi bien à court terme qu’à long terme.

 

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A propos de l'auteur :

Docteur en philosophie, linguiste et internationaliste, professeur émérite à l’Institut supérieur de traducteurs et interprètes, Université libre de Bruxelles, a enseigné en Algérie, au Gabon, au Mexique, en Iran et en Belgique. Ancien rédacteur d’Associations transnationales de l’Union des associations internationales (UAI), il a créé la revue de cosmopolitique Cosmopolis en 2007 et publié de nombreuses études à l’intersection de la philosophie, des sciences du langage et des sciences politiques. Il dirige la banque de données terminologiques et notionnaires portant sur divers sous-domaines des relations internationales hébergée par l’Observatoire européen du plurilinguisme (OEP).