Editorial

 

Le champ du droit international continue d’évoluer, comme le rappelle Géraldine Giraudeau au sujet de la responsabilité des Etats confrontés à l’évolution du climat de la planète. Sa prise en compte par la Cour internationale de justice sur sollicitation de l’Assemblée générale des Nations unies en constitue une étape, de même que les avis demandés par divers Etats au  Tribunal international du droit de la mer (TIDM) ou  à la Cour interaméricaine des droits de l’Homme.

Une autre innovation du  droit international est la création, commentée par Margherita Capacci, du Centre international pour la poursuite du crime d’agression (ICPA), justifiée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie et réclamée par plusieurs Etats occidentaux, dans l’attente d’une cour chargée de poursuivre ce nouveau type d’agression.

C’est un autre événement de ce type que commente Samson Martirosian : l’annexion du Haut-Karabakh par l’Azerbaïdjan, qui a  récemment conduit l’Arménie à ratifier le statut de Rome, fondateur de la Cour pénale internationale (CPI). Ce faisant, l’Arménie espère prévenir une nouvelle attaque de l’Azerbaïdjan et tient cet Etat responsable d’éventuels crimes de guerre,

Haider A. Khan revient sur les questions posées par l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les sanctions décidées par les États-Unis contre la Russie et les conflits qui opposent les États-Unis et la Chine, le tout dans un contexte international instable. Celui-ci évolue vers une relation multipolaire entre un « Sud global » et un « Nord global » qui permettrait aux pays du Sud de construire un système financier mondial plus équitable, moins dépendant de l’hégémonie des États-Unis.

Cristina Elena Popa Tache et Cătălin-Silviu Săraru étudient dans une optique interdisciplinaire l’origine et l’évolution des concepts juridiques qui nourrissent les conflits de même nature (lawfare) sous ses diverses formes, des conflits armés et des guerres de l’information aux différends territoriaux. Elles en soulignent la dimension éthique et leurs effets sur la réalité de l’État de droit et l’indépendance du pouvoir judiciaire.

François Misser analyse les causes de la crise sécuritaire, juridique et humanitaire qui affecte les missions de paix des Nations unies en Afrique et se traduit par leur retrait de plusieurs pays, dont le Mali et la République démocratique du Congo. L’instabilité qui en résulte a causé l’intervention de milices privées de diverses obédiences, qui occasionnent de nouvelles menaces pour la sécurité des populations civiles.

Ali Aït Abdelmalek et Eleonora Sparano analysent à partir des cas français et italien le caractère à la fois central et global de l’eau en tant que fait social. Ils comparent les théories sociologiques et anthropologiques  qui rendent compte de son rôle politique, économique, technique et culturel. Depuis la naissance des civilisations, l’eau a commandé le tracé des frontières, autant que l’héritage culturel des communautés humaines.

Kirsten Stade commente l’accord obtenu au sommet de la COP28, qui reste vague quant aux innovations agricoles visant à réduire les émissions, renonce à éliminer progressivement agriculture animale et repose sur les progrès technologiques  d’une « croissance verte » censée rééquilibrer l’écosystème. Elle dénonce aussi le silence qui entoure la guerre démographique entre le pronatalisme et l’angoisse de la dépopulation, et rappelle les séquelles sociales des pressions qui s’exercent sur les individus, principalement le femmes.

L’article de Sami A. Aldeeb Abu-Sahlieh, publié en 2002 et republié ici, garde toute son actualité. Son auteur se penche sur la conflit israélo-palestinien en défendant la reconnaissance par la communauté internationale de deux Etats. Si Israël est reconnu par les Nations unies, mais non par tous ses voisins, l’Etat palestinien est reconnu par 135 États, comme Etat partie par la CPI et comme État observateur non membre par l’ONU, mais n’est pas reconnu par Israël.

Dans la rubrique “Variations”, Elly Hermon aborde la thématique fondamentale de l’histoire de la philosophie des religions en se centrant sur les relations complexes et controversées entre le Créateur et la création et, de là, entre l’homme et la nature.

Contre la « nouvelle philanthropie » à laquelle prétendent les ultra-riches de nos sociétés, Pierre Calame dénonce la transposition de la gestion privée dictée par la doctrine néo-libérale à l’action publique, et défend au contraire le rôle que peuvent jouer les fondations dans un contexte d’interdépendance globale entre les sociétés.

 

Dans la rubrique « Débats », Pierre Calame, Solène Morvant-Roux, Armel Prieur, Jean-Michel Servet, Claude Simon et André Tiran reprennent une tribune du Monde sur la question de la transition écologique en la liant au Bretton Woods de 1944, après l’effondrement de la Seconde Guerre mondiale, dont ils revendiquent une nouvelle version visant à créer une « monnaie carbone » mondiale qui freinerait l’effondrement climatique.

Enfin, ce numéro reprend l’ultime publication du Journal de notes personnelles et d’informations internationales récentes de notre regretté collègue Yves Beigbeder,  décédé le 29 novembre de cette année.

La dernière rubrique publie la recension par François Misser de l’ouvrage de Theodore Trefon : Bushmeat. Culture, Economy and Conservation in Central Africa, rédigé en collaboration avec l’International African Institute, C. Hurst & Co (Publishers), Londres, 2023.

Paul Ghils

A propos de l'auteur :

Docteur en philosophie, linguiste et internationaliste, professeur émérite à l’Institut supérieur de traducteurs et interprètes, Université libre de Bruxelles, a enseigné en Algérie, au Gabon, au Mexique, en Iran et en Belgique. Ancien rédacteur d’Associations transnationales de l’Union des associations internationales (UAI), il a créé la revue de cosmopolitique Cosmopolis en 2007 et publié de nombreuses études à l’intersection de la philosophie, des sciences du langage et des sciences politiques. Il dirige la banque de données terminologiques et notionnaires portant sur divers sous-domaines des relations internationales hébergée par l’Observatoire européen du plurilinguisme (OEP).